03Juil2020
Quels leviers de communication pour les professions réglementées ?
Ils exercent des métiers aussi techniques qu’utiles, aussi exigeants que prestigieux ou des missions fondamentales de service public. Ils sont avocats, notaires, commissaires aux comptes ou encore géomètres, et ont vu ces dernières années leur exercice professionnel se réinventer sous la pression pour les uns, grâce à une nouvelle impulsion pour les autres, notamment via la «loi pour l’égalité des chances économiques», dite loi Macron.
Avec l’ouverture à la concurrence à laquelle doivent faire face certaines professions réglementées, leur stratégie de communication prend une nouvelle dimension. L’enjeu est de parvenir à se différencier de manière subtile et moderne, en composant avec des règles de déontologie souvent très strictes. Alors comment ces métiers au statut particulier s’approprient, avec plus ou moins d’envie ou d’appréhension, la communication ?
Comment se démarquer dans un cadre encore strict mais de plus en plus concurrentiel
Les professions très encadrées de notaire et d’avocat ont vu leurs règles d’accès à la profession bouleversées par la loi Macron de 2015. Le but de la réforme était double. D’une part, ouvrir à la concurrence certains métiers considérés comme monopolistiques et historiquement très verrouillés. De l’autre, les moderniser en facilitant leur accès pour les jeunes diplômés.
Cette réforme entraîne donc une nouvelle répartition des forces en présence. Elle induit également un double enjeu d’attractivité, aussi bien sur le plan commercial que dans la perspective du recrutement de collaborateurs. Or, ce double enjeu de communication doit composer avec des règles déontologiques strictes, qui ont trait, pour certaines, à leur statut spécifique de mission de service public.
Si la publicité et le démarchage commercial restent soit interdits soit très limités selon les usages autorisés par les Ordres, ce statut particulier est loin d’être incompatible avec l’articulation d’une stratégie de communication efficace, et d’autant plus nécessaire que ces secteurs autrefois « réservés » sont désormais plus ouverts et challengés dans leur pratique.
Les stratégies de communication pour ces professionnels se travaillent sur trois dimensions parfaitement complémentaires : le travail sur la marque d’abord, permettant de porter une identité propre et caractéristique sur le marché ; la valorisation des expertises, ensuite, parce que ces professions sont particulièrement riches de savoirs techniques, d’analyses complexes et de réponses qui intéressent les professionnels comme les particuliers ; enfin, la contribution au débat d’idées, aux réflexions politiques et d’opinions qui éclairent et alimentent les influenceurs et les décideurs.
Du leadership charismatique à la communication d’expertise
Chaque profession a ses stars, et les métiers du droit ont « leurs ténors » bien connus… ceux dont le charisme et le talent portent la notoriété et l’influence. Ils sont des exemples. Ils sont aussi des exceptions.
Pour la très grande majorité et tous les autres, les cabinets et les études de Paris et de province, le premier enjeu de la communication sera de tisser patiemment et solidement sa notoriété, sans publicité, sans démarchage. Pour cela, on privilégie une communication d’expertises, basée sur le fond, et portée par ses associés, chacun dans sa spécialité.
Pour porter ses savoir-faire, deux canaux complémentaires peuvent s’activer progressivement. Les relations médias et le digital sont deux leviers particulièrement adaptés à une communication de contenus, parfois « lourds », au sens technique, qui nécessitent des espaces d’expression qui laissent place à une forme de densité, de complexité, parfois, et de pédagogie, toujours. Être identifiés des journalistes, pouvoir apporter un éclairage, une explication, un témoignage ou les conclusions d’une étude dans les médias ou sur les réseaux sociaux et devenir in fine un expert référent, cela demande du temps mais cela correspond aux exigences de ces professions et à la qualité d’image qu’elles requièrent.
De l’éclairage technique à la contribution publique/ politique
À l’autre bout de la chaîne de valeur, il y a aussi la capacité, on pourrait dire la nécessité ou la légitimité, des professions réglementées à faire entendre et peser leur voix au cœur de la Cité et sur les grandes questions de société : qu’il s’agisse de questions d’imposition et de fiscalité, de retraite ou de droit du travail, de patrimoine et du droit de la famille… elles sont à des postes d’observation et de réflexion sans égal. Et c’est bien là que les Ordres professionnels, à l’instar des Barreaux, de l’Ordre des Avocats aux Conseils, du Conseil supérieur du notariat ou de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes, jouent à plein leur rôle sociétal, au-delà de leur vocation strictement technique ou corporatiste.
Ainsi naissent des initiatives tout à fait spécifiques sur cette communication « intellectuelle » et d’influence : des cercles, des think tanks, des études, des observatoires, qui permettent à ces professions des prises de parole prospectives et des contributions collectives, originales et de haute qualité. Du Cercle de prospective fiscale du cabinet d’avocats TAJ à l’Institut Messine, en passant par le Club du droit, les équipes de Vae Solis Communications ont la chance d’accompagner quelques best practices du secteur.
Les récentes transformations économiques et numériques comme les dernières crises traversées n’en finissent pas de « bousculer » ces professions stratégiques, de les faire évoluer ou « basculer » vers de nouveaux territoires où la communication sera un allié majeur pour continuer d’exister pleinement et d’exercer efficacement ses activités.
FOCUS SUR L’INSTITUT MESSINE, OU COMMENT FAIRE RAYONNER LA PROFESSION DES COMMISSAIRES AUX COMPTES
Alors que la profession des commissaires aux comptes (CAC) disposait déjà de structures lui permettant de communiquer auprès des institutions et de ses parties prenantes sur des enjeux qui lui étaient propres, elle se tenait éloignée du débat public et pâtissait d’une méconnaissance auprès du grand public. Pourtant – et bien que, par nature, par tradition et par déontologie, le CAC communique généralement peu – la profession joue un rôle crucial de « créateur de confiance » et se révèle être, au plus près de la vie des entreprises, un acteur mais aussi un observateur privilégié des enjeux, des grandes tendances et évolutions à l’œuvre.
Partant de ce constat, Footprint > consultants – aujourd’hui Vae Solis Communications – a accompagné la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes dans la création et la structuration d’un think tank dédié : l’Institut Messine. L’objectif était de permettre à la profession de rayonner et de montrer sa capacité à défricher et cristalliser la réflexion sur des sujets proches de son métier mais aussi élargis aux problématiques de l’entre- prise voire sociétales, et de soumettre des idées et solutions originales et concrètes susceptibles de nourrir la réflexion et l’action des décideurs publics et économiques.
Notre équipe continue d’assurer la gestion de ce think tank depuis sa création en 2013, en animant son « Comité Directeur » et son « Conseil d’Orientation » (qui réunissent des personnalités reconnues du monde de l’entreprise, de la société civile et, bien entendu, des CAC), en définissant les thématiques à explorer et en pilotant les publications tout au long du processus de production.
L’Institut Messine a ainsi d’ores et déjà publié 9 documents sur des thématiques variées avec notamment un Recueil remarqué dès 2016 sur la problématique encore relativement absente du débat public du véritable changement de paradigme que représentait l’apparition de taux d’intérêt négatifs (piloté par l’économiste Natacha Valla, avec des contributions notamment de Michel Aglietta, Maya Atig, Ramon Fernandez, Marc Fiorentino, Philippe Heim, Hervé Hannoun, Olivier Klein, Robert Ophèle). Un livre sur la complexité de la valorisation des entreprises du numérique (Comprendre et évaluer les entreprises du numérique) confié à l’économiste François Meunier a été copublié avec les éditions Eyrolles en 2017 et, plus récemment, l’Institut Messine s’est penché avec l’avocate associée du cabinet Bredin Prat Pascale Lagesse sur la question des lanceurs d’alerte dans les grandes entreprises (Le lanceur d’alerte dans tous ses états – Guide pratique et théorique, 2018).
Cet article rédigé par Corinne Dubos, Associée directrice déléguée, Camille Formentini, directrice conseil, et Nathan Juillerat, consultant chez Vae Solis Communications est à retrouver dans l’édition 2020 de 365°, le news tank de Vae Solis Communications.