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    19Juin2020
    L’humour, arme de communication massive ?

    blog_VSC

    Il est recommandé de rire entre 10 et 15 minutes par jour, a priori, le but de cet article n’est pas d’y contribuer. Des campagnes de publicité humoristiques, des punchlines teintées d’ironie chez nos politiques, des community managers qui manient l’humour à la perfection sur les réseaux sociaux et des packagings qui interpellent… Dans la communication, l’humour s’invite partout et rares sont les secteurs qui y échappent. Mais alors, l’humour serait-il véritablement un outil efficace en communication ?

    Nous évoluons dans une société hyperconnectée et aujourd’hui plus que jamais, nous sommes submergés d’informations au quotidien. Notre attention est devenue une denrée rare que se disputent de nombreux acteurs. Patrick Le Lay en 2004, alors président-directeur général de TF1 affirmait « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Quelque 15 années se sont écoulées et cette affirmation semble toujours aussi vraie.

    L’ère de l’ATAWAD[1]

    Avec l’arrivée d’Internet et des nouveaux moyens de communication, l’accès aux contenus se veut plus facile. Désormais, nous consommons de l’information à toute heure, n’importe où et sur n’importe quel support. Et notre attention quant à elle se trouve de plus en plus parcellée.

    En mai dernier, dans une interview pour France Culture, Bruno Patino, directeur éditorial d’Arte rappelait « L’économie de l’attention n’a pas été inventée par internet », « tous les médias sont fondés sur l’économie de l’attention mais l’Internet la rend à la fois plus efficace et plus précise. La connexion permanente fait qu’on essaie d’attirer notre attention tout au long de notre journée, ce qui n’est pas le cas d’un média traditionnel (…) ».

    L’attention est donc de plus en plus difficile à capter et la concentration de chacun se trouve de plus en plus fragmentée. Naturellement, il devient donc compliqué d’être audible en tant qu’émetteur dans ce contexte où la durée de vie des contenus est très courte.

    Aussi, avant même la nature du message, l’enjeu aujourd’hui est la capacité à attirer l’attention des citoyens, clients, salariés et autres leaders d’opinion. Chacun use alors de techniques pour se différencier et imposer son discours. Et parmi ces techniques, il y a l’humour.

    La recherche de l’authenticité dans le discours

    Le corollaire à cette « masse » d’informations que nous avons à disposition est le règne de la défiance. Nous sommes tous de plus en plus attentifs aux contenus que nous consommons et plus précisément à leur véracité. Il existe une certaine hostilité à l’égard de toute forme de communication qui aurait pour seul but de séduire, qu’il s’agisse des publicités des géants de l’agroalimentaire ou des discours politiques. Face à cette défiance, les politiques, entreprises, institutions ont bien conscience qu’ils doivent sortir des discours construits et attendus pour que leurs propos soient mieux reçus. Intrinsèquement, il s’agit donc de redonner une nature d’authenticité et de sympathie à leur parole en créant l’émotion nécessaire pour rétablir le lien avec leurs publics. La recherche de vérité et de sincérité dans le discours apparaît donc urgente pour pouvoir être audible.

    L’humour, comme toute émotion, fait réagir et confère aux propos un caractère plus authentique. Son impact positif instaure aussi un climat de bienveillance et de confiance. Et inévitablement, lorsque des émotions sont mobilisées, l’appréciation d’un propos n’en est que plus subjective. Grâce à l’humour, l’émetteur attire l’attention, fait réagir et parvient à convaincre plus facilement.

    De nouveaux modes de communication

    Si l’humour n’est pas nouveau en communication, l’émergence des réseaux sociaux lui a ouvert une nouvelle voie : caractérisés par leur spontanéité et leur immédiateté, ces canaux éliminent toute communication trop formelle.

    Ces nouveaux lieux d’échange, qui se dédouanent de tout intermédiaire et où règne parfois le chaos, permettent d’instaurer une proximité entre les internautes. Quiconque peut interpeler un politique, une institution, un dirigeant, un média… Les marques ont su elles aussi s’emparer de ces nouvelles plateformes pour échanger directement avec leurs consommateurs. Le SAV n’aura jamais été aussi efficace que sur Twitter !

    Dans ces nouveaux espaces, où la recherche de visibilité est toujours plus vraie, l’envie de créer le buzz et de susciter l’adhésion amènent plusieurs community manager à dégainer l’arme la plus efficace du moment : l’humour. Netflix, Decathlon, Winamax, Les Produits laitiers ou encore Interflora, tous brillent par leur sens de l’auto-dérision et leur capacité à rebondir sur l’actualité par un subtile dosage entre sérieux et ironie. Le parfait exemple reste encore celui de Decathlon, où le community manager a su s’approprier les codes, entre jeux de mots, memes et clins d’œil humoristiques à l’actualité. Tout en diffusant les messages justes lors des crises rencontrées par la marque, comme lors de la commercialisation du hijab.

    L’humour dans tous ses états

    Bon nombre d’entreprises ont su se démarquer en utilisant l’ironie dans leurs stratégies de communication. A titre d’exemple, depuis près de 10 ans, Monoprix a su renouveler intégralement son image et gagner une réelle légitimité. En habillant l’ensemble de ses packagings de jeux de mots tels que « Ce matin, faîtes comme votre café, restez allongé », Monoprix hisse l’humour comme véritable produit d’appel se dédouanant ainsi de photos esthétiques ou de grandes présentations de ses produits. La marque bouscule les codes et assume des jeux de mots parfois hasardeux. Un « esprit » qui redonne à la marque proximité et connivence avec ses clients.

    L’univers de la politique, pourtant marqué par les batailles d’égo et l’urgence des situations, n’échappe pas non plus à l’humour. Nos politiques et responsables publics ont bien compris sa puissance, et pour preuve le « Prix de l’humour en politique » existe depuis 1988. Comme pour les autres secteurs, l’humour fait tomber les barrières et crée un lien particulier entre l’élu et ses administrés. Mais les petites phrases et trouvailles verbales dont nous sommes tous friands, revêtent un caractère plus fort encore : elles permettent, sous couvert de légèreté de faire passer des messages importants et de réduire les potentielles réactions négatives. Un propos teinté d’humour sera pour beaucoup plus acceptable car plus authentique.

    En outre, et au-delà de son pouvoir de séduction, l’humour apparaît inévitablement comme une arme précieuse en politique pour déstabiliser un adversaire et se protéger. Nous nous souvenons notamment de la vidéo de la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez effectuant un pas de danse dans les coulisses du Congrès. Cette vidéo était sa réponse à ses opposants qui, pour lui créer du tort, avaient diffusé quelques jours auparavant une vidéo d’un clip étudiant dans lequel elle dansait. Loin de la décrédibiliser, cette réponse pleine d’humour lui a au contraire ouvert une fenêtre de visibilité auprès des citoyens. Une visibilité nécessaire pour se faire entendre.

    Outil efficace pour être entendu et compris, l’humour permet à bien des égards de se positionner et d’être entendu. S’il reste un moyen redoutable pour toucher l’opinion, celui-ci doit néanmoins être manié avec justesse. En effet, si notre société encourage l’humour et y est très attentive, elle reste aussi intolérante au moindre faux pas. Et ce sont nos réseaux sociaux, intransigeants, qui par leur puissance amplifient la notion de bad buzz.

    Même si l’humour nous a sans doute aidé à lutter contre le blues du confinement, nos dirigeants ont su le mettre de côté en ces temps de crise, où l’humour est à bannir. Nous le savons, l’opinion publique pardonnerait difficilement que l’on puisse rire d’une situation qui appelle du sérieux et de la gravité. En revanche, nous pouvons être sûrs que nous en aurons tous besoin en sortie de crise !

    [1] Any time, Anywhere, Any device, acronyme proposé par le consultant Xavier Dalloz

    Cet article rédigé par nos consultantes Margot Antoniazzi et Clémence Naizet est à retrouver dans l’édition 2020 de 365°, le news tank de Vae Solis Communications.