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    13Juin2019
    Les nouveaux enjeux de la communication financière

    blog_VSC

    Interview de François WAT, associé Rothschild et Cie par Arnaud Dupui-Castérès, CEO de Vae Solis Corporate.

    Longtemps considérée comme une figure imposée de la vie d’une entreprise, la communication financière est devenue déterminante et centrale. Déterminante, car ses enjeux et les impacts d’une erreur en la matière, se mesurent en dizaine, voire en centaines de millions d’euros. Centrale puisqu’elle occupe une part importante des agendas du CEO et du CFO.

    Il n’est plus possible de dissocier la communication financière de la stratégie de communication d’une entreprise cotée, l’equity story est un élément du storytelling et réciproquement. L’intégration de la com’fi dans la stratégie de communication est une nécessité pour renforcer la cohérence de la réputation et pouvoir mieux s’adapter aux changements rapides auxquels les décideurs sont aujourd’hui confrontés. Le point de vue de François WAT, associé Rothschild et Cie.

    VSC : Quels sont les ingrédients fondamentaux d’une bonne communication financière en 2018 ?

    Il y a deux dimensions principales pour une bonne communication financière aujourd’hui : l’une est structurelle et l’autre conjoncturelle, en particulier avec une année 2018 qui a vu se développer de nombreuses situations complexes. D’un point de vue structurel, beaucoup de sociétés communiquent selon un mode de « reporting », avec un format imposé, classique et avec un agenda contraint. Cela a le mérite d’être un processus normé, mais de ce fait les entreprises restent enfermées dans leur ‘equity story’ initiale. Ce modèle, qui permet de se projeter, n’anticipe pas les évolutions qui surviennent en cours d’année et cela pose donc clairement le problème de la ‘guidance’ que donne les entreprises. On dresse des perspectives en début d’année, mais on ne sait pas très bien comment cela va évoluer.

    Pourtant, dans un environnement de plus en plus incertain, il est clé de pouvoir à la fois donner des perspectives et les adapter en fournissant des éléments d’interprétation aux marchés. C’est toute la complexité à laquelle est confrontée la communication financière dans un marché extrêmement volatil. Lorsque les tendances évoluent, que la conjoncture se retourne ou ralentit, on se retrouve bien souvent prisonnier entre la nécessité d’atteindre la ‘guidance’ et celle de « coller à la réalité » de la conjoncture. Ce hiatus explique les incompréhensions des marchés comme celles auxquelles nous avons assisté lors de la présentation des résultats du troisième trimestre 2018.

    L’enjeu est donc de gérer le flux d’information sans effet de rupture, au fur et à mesure du cycle. C’est le cœur du sujet. Les annonces de résultats ont des impacts parfois démesurés par rapport aux fondamentaux des entreprises. Une évolution non anticipée peut avoir des conséquences brutales sur les marchés. Pour gérer leurs différents stakeholders : observateurs, analystes, investisseurs, le pilotage doit être fait de manière fine et peut-être plus fréquemment. C’est pourquoi, la pratique des ‘Investors Days’ ou ‘Capital Market Days’ se multiplient dans les périodes intercalaires des rendez-vous planifiés de la communication financière.

    Cela permet de donner des informations sur l’entreprise, son management et son marché dans un contexte plus stratégique et moins financier, avec une perspective de moyen-long terme et de la profondeur de vue. C’est une manière de faire évoluer l’equity story et de reprendre le contrôle du temps. Cette approche se développe rapidement. C’est un moyen de passer d’un format « reporting » à un format « stratégique » et de montrer que le pilotage ne se fait pas seulement sur les éléments conjoncturels, mais sur le long terme. C’est aussi un moyen de limiter l’incertitude qui est l’ennemi du marché.

    L’année 2018 a été particulière, car elle suivait une année 2017 où la croissance était forte avec une belle dynamique. Elle a été marquée par une forte volatilité due aux interférences de la politique avec les marchés : enjeux géostratégiques, politiques, guerre commerciale internationale, Brexit et comportements erratiques de leaders politiques.

    Dans ce contexte, les entreprises ne peuvent plus vraiment anticiper. Cela renforce la nécessité de l’effort de pédagogie sur leur modèle d’affaires au risque d’une trop forte corrélation avec les marchés. Or, tout l’enjeu des entreprises est d’être évaluées pour ce qu’elles sont !

    VSC : Larry Fink, président du plus grand gestionnaire d’actifs au monde, exhorte les entreprises à mieux communiquer sur leur stratégie et leur « contribution positive à la société « . Les enjeux de responsabilité sociétale sont-ils devenus un aspect majeur de la communication financière des entreprises ? Ces éléments impactent-ils réellement les décisions d’investissement ?

    Les enjeux sociétaux deviendront de plus en plus un importants pour les investisseurs, notamment sous l’effet du durcissement des attentes de la société civile. Les entreprises se doivent d’agir en relation avec leur cœur d’activité et, évidemment, éviter les actions anecdotiques. L’impact sociétal de l’entreprise doit devenir un point de force et réellement valoriser la contribution profonde de l’entreprise. Danone est un bon exemple d’une action articulée autour de son cœur de métier, de son business model.

    Les investisseurs y réfléchissent beaucoup en ce moment. Le benchmark est en train de se définir et de se durcir. Les entreprises doivent mener une réflexion sur elles-mêmes, sur ce qu’elles sont, ce qu’elles veulent être et ce qu’elles vont devenir d’un point de vue de leur identité et de leurs valeurs.

    Cela peut aller jusqu’à repenser certains éléments du business model, mais aussi le modèle managérial, le rôle de la diversité et de l’inclusion. Le débat actuel sur le plastique montre l’exigence croissante de la société sur les pratiques des entreprises, et celles qui n’anticipent pas risquent d’être défensives et donc de payer le prix fort. Ces problématiques sont au cœur du projet d’entreprise et de la communication stratégique et cela va progressivement prendre le pas sur d’autres considérations.

    VSC : Le story-telling, qui est le cœur de la communication corporate des entreprises, n’est-il pas devenu un élément clé de la communication financière ?

    Lorsqu’on parle d’equity story, on parle bien de storytelling.  C’est ce qui différencie la communication financière « reporting » de l’approche stratégique. L’equity story doit permettre de voir l’entreprise dans toutes ses dimensions. Elle est au cœur du storytelling et doit se construire en parfaite cohérence avec la stratégie de communication.

    Il doit y avoir une cohérence d’ensemble et c’est le « spin » de toute bonne communication qui doit la donner.

    VSC : Les réseaux sociaux ont profondément « disrupté » la communication marketing et corporate des entreprises et des institutions. Qu’en est-il de la communication financière ?

    Toutes les sociétés sont maintenant présentes sur Twitter et LinkedIn qui sont les deux vecteurs corporate essentiels pour les entreprises, que ce soit pour alimenter le ‘newsflow’ ou enrichir l’image corporate.

    Les grands patrons français y sont aussi très présents et sont de plus en plus l’incarnation de leur entreprise en matière de communication. C’est un mouvement qui s’accélère et qui laisse peu le choix de savoir s’il faut s’en emparer ou non.

    De plus en plus, la réputation de l’entreprise est un sujet stratégique qui doit être piloté par la Direction Générale. A l’avenir, il faudra une plus grande proximité entre les directions de la communication et la communication financière. L’enjeu est bien celui du contrôle et de la maîtrise de l’information et de réussir à donner du sens. Mais aussi de s’assurer que les destinataires des messages de l’entreprise à ses parties prenantes les reçoivent bien et les comprennent.