12Juil2019
Les coulisses de la communication du Festival de Cannes
72 ans après sa première édition, le festival international du film de Cannes n’a toujours pas perdu de son éclat. Cannes demeure le festival de cinéma au rayonnement international le plus important du monde et le troisième événement le plus médiatisé après les Jeux Olympiques et la Coupe du monde de football.

Le label « made in Cannes »
Le Festival du Cannes s’est développé autour d’une économie de la curiosité en offrant une programmation exclusive. Les films sont dévoilés pour la première fois lors du festival, contrairement aux Oscars Academy. La programmation est annoncée en avance, suscitant interrogations et curiosité. Cette exclusivité est mise en valeur par une compétition de haut niveau où les films récompensés sont rares. Une quinzaine de productions sont sélectionnées par un jury reconnu, composé de réalisateurs, acteurs, journalistes ou encore d’écrivains.
« Cannes est basé sur le désir, le secret, sur une tradition d’élégance »[1]expliquait Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes. Cette dimension esthétique est cultivée par l’organisation car elle attire stars, marques et journalistes. Pour exemple, la fameuse montée du tapis rouge, elle est la proue du navire du Festival de Cannes. Ce moment est la partie la plus médiatisée de l’événement, elle symbolise le glamour et la réussite. Pour préserver le fructueux prestige de Cannes, l’organisation a codifié l’événement par une série de règles dans un espace organisé et ritualisé : arrivée en voiture officielle, tenues strictes exigées lors de la montée des marches – les femmes sont en robe de soirée, les hommes traditionnellement en smoking et nœud papillon – . En 2018, pour conserver l’image prestigieuse de la montée, l’organisation a interdit les selfies qui venaient « endommager le tapis » [2]et surtout, ne convenaient pas à l’image haut de gamme du festival.
Au fil des années, le Festival de Cannes s’est construit une identité forte : un symbole graphique, la palme d’or et une signature sonore, la pièce musicale l’Aquarium de la suite du Carnaval des animaux diffusée avant chaque film.

Parallèlement, pour gagner en autonomie et en notoriété, la présence de la marque a été renforcée sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, Twitter, YouTube, Dailymotion) . Aujourd’hui le compte Instagram de la marque affiche une longueur d’avance face à ses concurrents européens avec 470 000 abonnés contre 89 200 pour la Berlinale et 395 000 pour la Mostra de Venise.
Une présence médiatique internationale
La renommée du festival lui assure une large couverture médiatique. En 1966, 700 journalistes couvraient l’événement, ils étaient 3 611 [1]en 2007, aujourd’hui la presse représente un sixième des accréditations du festival soit 4 600 journalistes. En soixante-douze ans, la presse a connu un boom de 454%[2]. De son côté, la presse étrangère n’est pas en reste, elle représentait déjà 57,5% [3]des accréditations presse en 2016 et provenait de 85 pays.
Derrière ces chiffres, la stratégie du festival est de maintenir une présence médiatique forte à l’échelle mondiale en veillant en permanence à étendre son influence à de nouveaux pays. Le festival facilite la venue des médias des zones moins représentées comme l’Afrique ou l’Asie en leur fournissant plus facilement des accréditations et en les accompagnant dans l’obtention de visa français. C’est l’efficacité de la branche presse de l’organisation qui hisse depuis plusieurs années le Festival de Cannes sur le podium des événements les plus médiatiques.
En outre, la dimension glamour que le festival cultive en invitant mannequins et influenceurs attire également les journalistes. Elle participe autant à son rayonnement que les films qui y sont présentés. Les équipes médias les plus nombreuses sont d’ailleurs celles de la télévision, avec trois cents chaînes sur place, concentrées principalement à évaluer les invités et leur tenue.
Le succès du Festival de Cannes tient dans un cercle vertueux entre une compétition exclusive de qualité attirant les talents, qui à leur tour attirent les médias, ce qui a pour effet d’augmenter l’attractivité du festival.
L’habile melting-pot de communication médiatique et d’image de marque pousse les talents soucieux d’améliorer leur notoriété et leur image à défiler sur le fameux tapis rouge. C’est par cet enchaînement que le Festival de Cannes est aujourd’hui un élément central du soft power français.
[1] Le Festival en 2019, interview de Thierry Frémaux, Festival de Cannes, Qui sommes-nous ? 2019 [2] François Aubel, Le Festival de Cannes a prévu une punition pour les auteurs de selfie sur le tapis rouge, Le Figaro, mai 2018 [3] Alexandre Boussageon, Festival de Cannes : une frénésie médiatique qui s’est organisée, L’OBS, mai 2012 [4] Alexandre Boussageon, Festival de Cannes : une frénésie médiatique qui s’est organisée, L’OBS, mai 2012 [5] Hélène Leroyer, Le Festival de Cannes en quelques chiffres, France 3, mai 2017