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    13Mar2015
    L’entreprise et l’émotion populaire : comment la gérer ? par Natanaël Bloch et Guillaume Prigent

    blog_VSC

    Lorsqu’un événement tragique vient frapper le cœur de nos sociétés modernes (11 septembre ou attentats du 7 au 9 janvier à Paris) ou bien quand il bouleverse profondément le quotidien d’une entreprise (suicide d’un employé ou disparition d’un collaborateur dans un accident), des phénomènes de désorganisation apparaissent. Les épreuves traversées par la société toute entière, ou bien par une seule entreprise, résonnent dans les murs de toute organisation et viennent l’affecter. La question n’est alors plus de savoir si l’entreprise doit s’y confronter, mais quand et comment.

    L’actualité remet parfois au centre des préoccupations de chacun, pour des motifs heureux ou regrettables, la question du rôle de l’entreprise au sein de la société. Des grandes actualités sportives aux tragédies nationales, l’entreprise ne peut passer sous silence des événements qui sont dans l’esprit de la majorité des salariés, sinon de tous. Ce phénomène se trouve aujourd’hui renforcé, notamment à l’heure de l’hyper connexion et des réseaux sociaux qui mettent fin à la distinction classique entre vie personnelle et vie professionnelle. Cela ne signifie pas qu’il faille remettre en cause cette distinction, mais seulement que ces deux vies ne peuvent plus s’ignorer.

    Si les événements heureux permettent aux équipes de se retrouver et de renforcer la cohésion existante, les épisodes dramatiques imposent, eux, une autre narration.

    Présents dans l’esprit de chaque salarié, il serait impensable de faire « comme si de rien n’était ». Tant pour éviter la politique de l’autruche que pour assumer le rôle sociétal qui est le sien, l’entreprise doit porter un discours clair. Elle doit s’affirmer et s’assumer comme un cadre structurant du corps social et montrer qu’elle partage des valeurs communes avec l’ensemble des collaborateurs.

    Le temps que le choc soit absorbé, les collaborateurs et le management de l’entreprise vont passer par plusieurs phases bien distinctes.

    • « Je n’y crois pas » – Le déni de réalité d’abord, qui dure peu de temps, mais qui montre l’incapacité à admettre l’existence d’une réalité surgissant dans un monde normé où on ne l’attendait pas.
    • « Je ne comprends pas » – L’incompréhension, ensuite. Même si chacun a admis la réalité de l’événement et ne refuse plus d’y croire, il n’est pas pour autant possible de donner du sens à ce qui s’est produit.
    • « Je ne sais pas quoi faire » – La paralysie, enfin. Si les phases précédentes sont souvent à la racine de discussions et d’échanges entre tous, ici il en va autrement car les ponts de communication sont brouillés : chacun ressent un effet d’impasse. Ce qui s’est produit restant inexplicable, voire imprévisible et non anticipable, le problème continue à se poser sans qu’aucune solution ne semble en mesure de le régler.

    S’il n’existe effectivement aucune solution clé en main, un principe essentiel doit guider l’action du management. Il s’agit de reconnaître la profondeur de l’événement dès qu’il surgit, de mettre des mots sur la gravité qu’il représente pour faire remonter les non-dits à la surface. Il faut ensuite ne pas hésiter à rassembler les salariés pour faire la pédagogie de ce qui vient de se passer. Et dans les moments les plus dramatiques, les inviter, par exemple, à partager une minute de silence.

    L’entreprise est un corps social capable de souffrance. Le dirigeant doit être le pilote du processus de guérison. C’est en donnant un cadre à un événement inattendu qu’on parvient à le faire sortir du champ de l’impensable et de l’inexplicable ; à poser la première pierre indispensable à la résilience de l’entreprise.