06Nov2015
Hollande chez Lucette, mise en scène par l’Elysée par Arnaud Dupui-Castérès, avec Bérengère Grenier
François Hollande, le Président normal, invité à prendre le thé chez Lucette, une personne normale. Sur le principe l’idée est bonne. Elle rend l’homme d’Etat plus humain, plus accessible, plus séduisant et colle bien à l’image qu’il veut donner de lui-même. Le Président capitalise ainsi sur ses acquis en misant une fois de plus sur la simplicité et la proximité. Sauf que dans cet épisode rien n’est simple, normal ou réel. Ni les tasses, ni le café, ni les fleurs, ni les chaises, ni même la propreté de l’appartement ! Mais encore, il ne s’agit là que du cadre. Finalement, pourrait-on vraiment reprocher au service de la communication de l’Elysée de s’assurer que le Président soit bien reçu et en sécurité ? Non, d’autant que le décor reste néanmoins proche de la réalité.
Ce qui gêne c’est qu’il n’y a pas que la toile de fond qui manque d’authenticité. Tout est faux ! Du choix du profil de Lucette aux questions qu’elle pose.
Le choix même de la personne de Lucette ne tient en effet pas du hasard. En tant que femme seule d’environ 70 ans, elle représente une catégorie de population dont les particularités sont de voter et d’être légitimiste, avec un penchant plutôt à droite certes mais qui, désillusionnée par Nicolas Sarkozy, ne demande qu’à être conquise et convaincue. Cette rencontre constitue donc une étape vers la reconquête. Le mode opératoire colle ainsi parfaitement à sa cible qui, étant peu sur internet et les réseaux sociaux, reste plus attachée aux rencontres réelles que virtuelles.
Et pour que la machine soit parfaitement huilée, pourquoi ne pas prévoir jusqu’au contenu des échanges. Mais, si bien souvent les hommes politiques ont recours au mediatraining pour parfaire leurs messages et préparer leurs interventions, ce sont bien les réponses qui sont préparées, pas les questions qui sont imposées ! Sinon ce n’est plus une interview mais une mise en scène. Or, dans l’échange entre François Hollande et Lucette tout est écrit d’avance : les questions et les réponses. Lucette a même confié au micro de BFM s’être vue refuser d’aborder certains sujets. C’est sûr qu’ainsi la préparation est rapide et les risques de dérapage semblent limités. Et pourtant… avec tant de caméras braquées sur lui, il était évident que les dessous du spectacle allaient vite être rendus visibles. Cela n’a pas manqué, les médias et les réseaux sociaux ont davantage parlé de la mise en scène que des échanges qui ont, eux, perdu toute légitimité.
Cet épisode est l’illustration d’une recherche de l’instantanéité des résultats au détriment d’une stratégie de long terme. Il privilégie ainsi les coups tactiques, rapides, au risque d’une exécution ratée. Dans la perspective des présidentielles qui sont dans 18 mois, François Hollande aurait avantage à définir une stratégie de communication fondée sur une vision et à se donner le temps de sa mise en œuvre pour qu’elle donne les résultats escomptés le jour venu. Pourquoi surexposer ces initiatives maintenant alors qu’il aurait pu les multiplier, les inscrire dans une stratégie de long terme et capitaliser dessus au moment de vérité.
François Hollande a d’ailleurs annoncé au micro d’Europe 1 qu’il continuerait ces rencontres directes, mais hors caméra, et Lucette, même contrainte dans ses questions, est visiblement « tombée sous le charme » d’un homme pas tout à fait normal.