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    19Avr2019
    Fake news : faut-il une nouvelle loi pour lutter contre la désinformation 2.0 ?

    blog_VSC

    En avril 2018, Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, vient s’expliquer devant le Sénat américain au sujet de nombreuses controverses mettant en cause le réseau social, dont la diffusion des fake news. Anglicisme largement répandu depuis peu dans le vocabulaire français, ces fausses nouvelles auraient eu une influence sur l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis. Selon les enquêtes internes de Facebook, 126 millions d’Américains auraient vu des contenus produits par de faux comptes russes qui mélangeaient réalité et fiction visant à déstabiliser l’élection.

    Qu’il s’agisse de tromperies volontaires ou non, la France n’est pas non plus immunisée contre ces infox (terme prôné par la Commission d’enrichissement de la langue française). Facebook dit avoir également « supprimé 30 000 faux comptes » en amont du premier tour de l’élection présidentielle française en 2017. L’enjeu est pris au sérieux par le Parlement qui vient d’adopter des propositions de loi visant à sanctionner la propagation des fausses informations lors des périodes électorales.

    La tentation de légiférer sur le sujet s’accentue avec la menace que ce phénomène pourrait représenter pour le fonctionnement même de notre démocratie. Comment dialoguer sur l’avenir d’un pays quand on ne parvient pas à se mettre d’accord sur la vérité ? À l’heure des Gilets Jaunes, comment mener un « Grand Débat » qui soit constructif quand ceux qui parlent au nom du mouvement utilisent les réseaux sociaux pour semer des théories du complot ? Les circonstances ne sont pas réunies pour remettre ces questions à plus tard. Au fur et à mesure que les réseaux sociaux gagnent en fidèles, les médias traditionnels perdent des moyens, créant un contexte favorable à une diffusion de plus en plus rapide des fake news. Il suffit de voir l’ampleur qu’ont pris les réseaux sociaux au moment où les médias traditionnels semblent s’affaiblir. Créé en 2004, Facebook a déjà dépassé les 2 milliards d’utilisateurs actifs en 2017. Si les médias traditionnels tentent de s’adapter à cette « plateforme » en numérisant leurs contenus, leurs ressources se réduisent comme peau de chagrin. Entre 2008 et 2017, les emplois au sein des rédactions de journaux américains ont enregistré une chute de 23 %.

    Les médias traditionnels, c’est-à-dire les gardiens des informations d’autrefois, subissent nos nouvelles habitudes de consommer l’information. Face à la disruption créatrice de toute évolution technologique, on a tendance à souligner les bénéfices rendus aux consommateurs. Mais qu’est-ce qui se passe quand le consommateur prend le contrôle du produit ?

    Selon une étude menée au Massachusetts Institute of Technology (MIT) les résultats sont mitigés. Angoissés par l’ampleur de fausses informations circulant sur Twitter à la suite de l’attentat du marathon de Boston en avril 2013, trois chercheurs ont décidé d’analyser les trajectoires de 126 000 nouvelles diffusées sur le réseau social entre 2006 et 2017. Selon eux, une fausse information se diffuse plus largement et plus rapidement qu’une histoire vraie. Elle atteindrait en moyenne 1 500 personnes six fois plus vite qu’une nouvelle vraie. Les fausses informations sont également tweetées 70% plus que les informations vérifiées. Les chercheurs ne blâment pas les bots – ces faux comptes gérés par des algorithmes – mais plutôt la nature humaine. On est attentif aux informations qui font preuve d’une certaine originalité et qui sont souvent négatives. Les titres sensationnalistes sont plus faciles à créer quand les limites de la vérité ne s’appliquent plus.

    Alors, faut-il légiférer ? La démarche est loin d’avoir gagné l’unanimité : après deux rejets par le Sénat, les propositions adoptées sont actuellement scrutées à la loupe par le Conseil constitutionnel. Selon les plaignants, ces mesures constitueraient une menace pour la liberté d’expression et seraient redondantes par rapport aux Codes civil et électoral déjà en vigueur. Si les internautes sont naturellement attirés par les informations fausses, dans quelle mesure une nouvelle loi pourrait-elle mettre un terme à leur circulation ?

    Jonathon Holler, consultant Vae Solis