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    08Mar2019
    Engagement humanitaire : la puissance des réseaux sociaux

    blog_VSC

    Lancé en 2016 par Adrien Nougaret, alias ZeratoR,  « Z Event » est un évènement très suivi sur Internet. L’objet de ce rassemblement est de réunir plusieurs animateurs spécialisés dans la diffusion de jeux vidéo sur internet pour soutenir une association caritative. L’édition 2018, qui s’est tenue du 9 au 11 novembre dernier, a réuni 38 participants qui, pendant 50 heures d’affilée, ont diffusé du contenu en direct et encouragé les spectateurs à effectuer des dons en faveur de Médecins Sans Frontières. Résultat : plus d’un million d’euros réunis, là où la précédente édition avait collecté 450 000 euros au profit de la Croix-Rouge française, alors fortement mobilisée pour venir en aide aux victimes de l’ouragan Irma. Une performance exceptionnelle qui encourage à reconnaître YouTube, Twitter et Twitch – plateforme de diffusion de contenu en ligne – comme des catalyseurs de la mobilisation humanitaire.

    YouTube, Twitter et Twitch : sensibilisation à grande échelle

    L’engagement solidaire ne déroge pas à la montée en puissance des réseaux sociaux. Ils se sont récemment montrés très efficaces pour attirer l’opinion publique, s’érigeant ainsi comme des vecteurs de mobilisation citoyenne efficaces, au même titre que les moyens de communication traditionnels. Ils le sont d’abord parce qu’ils constituent des médias de masse où l’agrégation de personnalités autour d’un évènement accroît exponentiellement le public qui le suit. Ainsi, en cumulant les abonnés des stars présentes pendant le « Z Event », ce sont plus de 24 millions de fans répartis entre YouTube, Twitter et Twitch – soit l’équivalent de la population de l’Australie – qui se sont connectés et ont participé à cet marathon caritatif.

    Selon MDM media, 8 Français sur 10 entre 16 et 24 ans vont sur YouTube au moins une fois par jour. Ainsi, ces médias permettent également de toucher un public jeune, enclin à s’engager mais pourtant longtemps délaissé par les associations humanitaires. Cette jeunesse apporte son soutien avec un like, un hashtag, un partage ou une publication. Julien Massillon, chargé de communication d’UNICEF France, expliquait à Glamour, en avril 2018, que « grâce aux Youtubeurs, on arrive à attirer une sphère beaucoup plus large qu’auparavant […] on a par exemple pu approcher un public très réactif, qui a une confiance aveugle » dans les Youtubeurs qu’il suit. Et si cet engagement ne se matérialise pas toujours par un geste financier, il se traduit néanmoins par une sensibilisation accrue aux problématiques défendues par les associations.

    Capitaliser sur une communauté de fans

    Les youtubeurs, parce qu’ils existent principalement au travers de ceux qui les suivent, prennent soin de les satisfaire. La publication de vidéos à intervalles réguliers, le choix d’un phrasé adapté, la volonté d’interagir constamment avec leur communauté, favorisée par un discours « non-filtré », créent ainsi une connivence, une relation privilégiée entre eux. Cette relation est un argument supplémentaire qui favorise l’engagement humanitaire : l’effort financier auquel consent le public semble d‘autant plus légitime qu’il est justifié par la relation de confiance qu’il entretient avec son youtubeur préféré.

    L’initiative « On est prêt », mise en place entre novembre et décembre 2018, est un bel exemple de la proximité entre ces artistes d’Internet et leur communauté : pendant un mois, soixante-deux vidéastes ont encouragé leurs fans à effectuer une action par jour en faveur de l’environnement. Ici, l’investissement solidaire prend une ampleur supplémentaire puisqu’il dépasse le seul don et s’immisce dans le quotidien du public pour tenter d’en changer les « mauvaises » habitudes. Cette intrusion, rendue possible grâce à la proximité entre le vidéaste et son public, est un coup de force que ne peuvent pas toujours se permettre les ONG.

    La Love Army : la machine à mobiliser de YouTube

    Le premier avantage des réseaux sociaux, par rapport aux moyens de communication traditionnels des ONG, c’est qu’ils permettent aux donateurs de visualiser les répercutions matérielles de leurs dons. En effet, les différents contenus (vidéos, posts, vlog, etc.) réalisés par les vidéastes avant, pendant, et après l’action humanitaire créent un storytelling qui les placent au centre de l’organisation sans qu’ils aient, a priori, bougé de leurs chaises.

    Jérôme Jarre, influenceur français habitué des opérations médiatisées, a lancé, en novembre 2017, une initiative qui résume à elle seule l’idée selon laquelle YouTube et Twitter sont devenus les vecteurs de mobilisation les plus efficaces. En lançant sa Love Army au secours des Rohingyas – population birmane de confession musulmane réfugiée au Bengladesh à la suite de violentes persécutions –, il a révélé toute la puissance des réseaux sociaux. En assurant le « service après-vente » de son action, c’est-à-dire en publiant régulièrement sur les réseaux sociaux l’avancée de ses travaux, la Love Army a construit un collectif d’un nouveau genre, capable, via la plateforme de financement participatif GoFundMe, de réunir plus d’un million de dollars en 24 heures. Finalement, les chiffres de cette opération sont extraordinaires et surprennent les tenants de la diplomatie humanitaire traditionnelle : 1,3 milliard d’internautes touchés ; plus de deux millions de dollars réunis ; 46 % provenant de donateurs de moins de 24 ans et 74 % des dons réalisés depuis un smartphone.

    YouTube, Twitter et Twitch sont devenus de formidables outils de mobilisation citoyenne. Ces supports sont plébiscités car ils attirent, rapidement et massivement, l’attention de l’opinion publique sur un sujet de société. Ils permettent également de faire émerger de nouveaux acteurs du monde de la solidarité internationale et apportent du crédit à des communautés peu médiatisées : ainsi la communauté des gamers, ces joueurs professionnels de sports électroniques encore trop peu souvent pris au sérieux, a su démontrer sa maturité et son influence avec le « Z Event ». Nul doute que ce phénomène est appelé à s’amplifier. Il sera alors intéressant de jauger la réponse des ONG traditionnelles et de voir comment elles s’adaptent pour mettre à profit et décupler ce regain d’intérêt pour l’engagement solidaire.

    Bastien Vandendyck