16Juil2020
Dépoussiérer la communication interne pour engager ses équipes !
Encore souvent négligée au profit de la communication externe, la communication interne n’en est pas moins un enjeu stratégique de l’entreprise. Vecteur d’engagement, elle doit s’adapter en permanence aux attentes nouvelles de sa cible première : les collaborateurs…
Le mouvement des « Gilets jaunes » a constitué le fait marquant de l’année 2019 et a imposé, au cœur du débat public, la question du lien social et de son étiolement. Ce mouvement exprimait angoisse et rejet d’une société jugée individualiste et insécurisante. Aujourd’hui, la crise du Covid-19 réaffirme, elle, que le sens du collectif est un facteur de résilience majeur. Dans ce contexte, com- ment les entreprises, reflets de notre société, peuvent-elles redonner du sens aux relations sociales, humaines et ainsi maintenir leur attractivité ?
Une crise du sens qui secoue et déstabilise indifféremment la société et les entreprises
Quel est le sens de mon travail ? Quel est mon rôle au sein de l’entreprise ? Comment celle-ci participe-t-elle à la vie de la Cité ? Autant de questions prégnantes parmi la « Génération Z » qui rejette une conception individualiste du travail à laquelle ses aînés s’étaient, eux, adaptés. Cette génération veut participer à un projet où le collectif et l’humain ont du sens. Comprenant la perte de richesse, le coût social des risques psychosociaux pour la France s’élève entre 1,9 et 3 milliards d’euros. Des chiffres qui montrent qu’il serait bien imprudent d’ignorer les effets délétères, pour les personnes et l’entreprise, d’une perte de sens du travail accompli.
Face à ces aspirations nouvelles, les entreprises se doivent d’adapter leur management et leurs leviers d’action.
Face à un dialogue social français à bout de souffle…
Depuis les années 1990, les entreprises sont en proie à de multiples mutations qui les plongent en un état de changement permanent et donc d’incertitudes. Elles sont attendues sur leur capacité de projection commune pour insuffler motivation et engagement. Or, comment y parvenir quand 72% des Français estiment que le dialogue social fonctionne mal et 52% estiment même qu’il n’est pas efficace ?
Une contre-performance aux causes bien connues : une culture du conflit solidement ancrée dans l’organisation des relations sociales, caricaturée aux yeux du monde par l’image du DRH d’Air France, chemise arrachée, contraint de fuir un comité central d’entreprise en escaladant un grillage. Cette image discrédite, non seulement les organisations représentatives, mais aussi et plus largement les syndicats dont la représentation au sein des entre- prises ne cesse de baisser, tombant à 11% dans le public et 8,4% dans le privé.
Dans ce contexte propice à la conflictualité et à l’individualité, comment la communication interne peut-elle favoriser le nécessaire sentiment d’appartenance et d’adhésion des collaborateurs au projet global de l’entreprise ? Car ne l’oublions pas, l’engagement des collaborateurs et un climat social sain sont des conditions nécessaires à la performance et la pérennité de l’entreprise.
… Faire le choix du soft power pour fédérer les équipes et accompagner le changement
La communication interne peut et doit contribuer à créer du lien et de la motivation autour d’un actif commun qu’il lui revient de bâtir : une identité, des valeurs, un projet opérationnel. Du soft power
power, en somme. Pour y parvenir, Éric Fouquier, docteur en sciences de la communication, identifie alors plusieurs types de stratégie pouvant être mobilisés :
• Le recours aux valeurs fondatrices et fédératrices. L’entre- prise identifie les valeurs-clés qui inspiraient l’action du fon- dateur et les décline sous toutes les formes dans l’entreprise. Le « Think Different » d’Apple est en cela un parfait exemple qui consacre et décline l’innovation et l’esprit libre tant dans les prises de parole de ses dirigeants, que dans les produits.
• Le recours aux valeurs sociétales. Ce sont désormais les valeurs extérieures à l’entreprise mais auxquelles ses collaborateurs, alors pris comme des citoyens, sont attachés à l’image du développement durable. C’est le cas chez Danone avec son programme « Objectifs Danone 2030 » qui s’aligne sur les Objectifs de Développement durable de l’ONU, ou encore de L’Oréal et son programme « Sharing Beauty With All » qui entendent concilier développement social, croissance économique et respect de l’environnement.
• Le recours à la projection d’un avenir commun, qui est souvent utilisée dans le cadre de rupture (PSE, délocalisation, etc.). La communication interne participe alors à faire prendre conscience et accepter la nécessité de s’adapter à un contexte nouveau en proposant un discours fondé sur un nouveau projet.
Le véritable enjeu des entreprises ? Capter l’attention des salariés face à l’afflux d’informations !
Quelle que soit la stratégie retenue, une communication interne de type « ORTF » sera au mieux inefficace, au pire contre- productive. Elle ne peut plus être top-down ; elle doit accompagner et faciliter l’expression libé- rée des individualités et des communautés, entre elles et avec leur direction… tout en veillant à préserver la cohérence du message managérial. Les entreprises l’ont compris et s’adaptent progressivement. Le vrai sujet est désormais d’inciter les collaborateurs à consulter les outils de communication interne et à s’en saisir. Comment faire ?
Alors que 62% des Français estiment que les outils digitaux peuvent rendre le « dialogue social plus vivant » et qu’ils donnent « davantage envie de participer aux discussions », il revient désormais aux entreprises de les adopter si elles souhaitent reconquérir l’attention et l’intérêt de leurs collabora- teurs.
En 2019, les Français ont en moyenne passé 2h12 par jour sur les réseaux sociaux (plus de 3h pour les 15-34 ans), très largement à partir de leurs smartphones, souvent durant les temps morts de leur journée (transports en commun, pause- café… aux toilettes !). Les entreprises doivent, au mieux, tirer profit de ce temps libre pour accroître la visibilité en interne de leurs messages.
Les entreprises doivent investir les smartphones de leurs salariés via des applications aussi simples et ludiques que les applications qu’ils utilisent à titre personnel. Les collaborateurs veulent être surpris, interpellés. Humour, histoires inspirantes, gamification : autant de bons vecteurs pour faire passer des messages et s’en souvenir au même titre que les contenus visuels. Photos, vidéos : les visuels sont traités 60 000 fois plus vite par le cerveau que le texte ! Et s’il ne s’agit pas d’abandonner les Intranets, emails et autres magazines internes, il s’agit désormais de les moderniser selon ces nouveaux canons pour leur redonner une seconde vie et renforcer leur utilité.
L’application H24 de Vinci Autoroutes est un bel exemple. Les collaborateurs sont eux aussi invités à partager leurs contenus. Nourrie par la direction de la communication et les collaborateurs, l’application très visuelle et intuitive permet aux contenus corporate de côtoyer les contenus plus « légers » sur les moments de vie de l’entreprise tels que les initiatives associatives menées par les collaborateurs. Résultat : la quasi-totalité des collaborateurs consultent l’application, chaque session dure en moyenne plus de 4 minutes, et plus de 3 000 contenus, aussi bien corporate qu’individuels, ont été publiés en 2019.
Face aux mutations multiples de l’entreprise et la montée en puissance de nouvelles aspirations qui convergent vers le commun, la communication interne retrouve ses lettres de noblesse et s’érige chaque jour un peu plus comme une compétence stratégique. Charge aux entreprises de s’en saisir pleinement pour lui permettre de démontrer son importance, vis-à-vis de l’interne mais également des publics externes, notamment en nourrissant activement la politique d’attractivité de l’entreprise.
Cet article rédigé par Clothilde Mbock Mbock, ex consultante senior et Laurent Porta, Associé chez Vae Solis Communications est à retrouver dans l’édition 2020 de 365°, le news tank de Vae Solis Communications.