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    28Mai2019
    Chronique d’un parlementaire en 2035

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    La vie en 2035, saison 2 ! Après notre chronique sur le travail d’un communicant dans une vingtaine d’années, nous avons imaginé à quoi ressemblerait la vie du Parlement en 2035. Plongée dans un monde où le pari de l’intelligence artificielle n’était pas gagné d’avance.

    Le Parlement et les institutions de l’Etat tels que je les ai connus lorsque j’étais collaboratrice parlementaire ont changé. Les plus beaux palais et hôtels particuliers de Paris ont été transformés en musées, fondations et logements. Le monde politique a été transféré dans une nouvelle cité administrative, quai d’Austerlitz. J’y ai fait ma première entrée en 2032 en tant que députée de l’Oise !

    Les anciens bâtiments n’étaient pas adaptés à la transformation numérique et la réduction du nombre de parlementaires nécessitait des travaux considérables dans des bâtiments classés. Des économies considérables ont été réalisées sur les budgets de fonctionnement et cela a été la première étape dans la reconstruction du lien de confiance avec les citoyens.

    Mardi 10 avril 2035

    Mon premier rendez-vous de la journée est à 8 heures, avec la réunion de la commission des affaires scientifiques dans laquelle je siège. Nous devons balayer tous les amendements qui seront examinés cet après-midi lors de l’examen du projet de loi sur la circulation des drones dans l’espace public.

    Mon amendement sur la création d’une prime à l’achat de drones solaires a reçu un avis favorable. Le système de saisie vocale dont est équipé la salle permet d’actualiser en direct le texte qui sera présenté en séance. Pour le rédiger, je me suis appuyée sur un logiciel créé par France Stratégie qui permet de calculer les impacts (financiers et humains) de chaque mesure. Le développement de tels outils n’aurait jamais été possible si l’Etat n’avait pas investi autant dans l’intelligence artificielle. Désormais, notre travail est plus juste, plus précis. De la même manière, le partenariat que le Parlement a conclu avec Polytechnique nous permet désormais de vérifier, grâce à un algorithme, si les propositions de lois ou les amendements que nous rédigeons sont juridiquement légaux.  

    La réunion de ma commission terminée, j’ai le temps de faire un saut en réunion de groupe. S’il y a bien quelque chose qui n’a pas bougé depuis des années, c’est l’agitation qui règne lorsque les groupes politiques se réunissent. Même si l’intelligence artificielle a fait beaucoup pour nous ces dernières années, la politique reste avant tout une histoire de relations humaines !  

    Rattrapage numérique

    Et pourtant, si l’on m’avait dit que l’intelligence artificielle allait faire son entrée et être acceptée au Parlement, je n’y aurais pas cru. Fin 2018, en pleine crise des « Gilets Jaunes », face au constat d’une nouvelle fracture sociale et sur les questions de représentativité, l’intelligence artificielle n’apparaissait ni comme une solution, ni comme une option.

    Il était légitime de penser que l’utilisation des nouvelles technologies pouvait se faire au détriment des ressources humaines. Mais cela n’a pas été le cas et nous sommes bien loin d’un scénario à la « I, Robot » !

    Le métier de collaborateur a évolué. Mon équipe parlementaire s’est recentrée sur des tâches à plus forte valeur ajoutée : l’élaboration et le suivi des textes législatifs, la gestion des relations presse, la stratégie de communication. Les tâches ne nécessitant aucune valeur ajoutée ont été déléguées à mon assistant virtuel, Léo qui gère le tri des mails, mon agenda, les veilles presse et les courriers types.   

    Quant à mon rôle de députée, il a été transformé. En plus d’avoir rendu plus efficace le travail législatif, les nouvelles technologies nous ont permis de développer une relation de proximité avec notre circonscription. Pour la gestion des dossiers des administrés, nous nous sommes inspirés de ce qui existe déjà dans les entreprises pour gérer les relations clients et nous avons mis en place un CRM. Au niveau national, la création d’un citizen hub, guichet unique pour tous les citoyens, a été la grande mesure de 2025 : chaque citoyen dispose désormais d’un espace personnel, qui regroupe toutes ses données publiques et privées, et qui lui permet de répondre aux consultations en ligne systématiquement mises en place pour chaque projet de loi. Le site de l’Assemblée nationale (et du Sénat !) a été équipé d’un chatbot, permettant de répondre aux premières questions des visiteurs.  

    L’Assemblée digitale

    A 15 heures, il est temps de se rendre dans l’hémicycle pour assister aux questions au Gouvernement. Exit les huissiers et les badges. Nous accédons au périmètre sacré grâce à nos empreintes digitales. La direction de la sécurité, qui a été largement renforcé avec l’arrivée d’ingénieurs en informatique, supervise cela.

    Le Ministre de l’Intérieur auquel je dois poser une question sur la récente cyberattaque dont nous avons fait l’objet la semaine dernière me répondra depuis la Lettonie où il est en déplacement, grâce à la projection de son hologramme.

    A 16h30, nous entamons l’examen du projet sur la circulation des drones dans l’espace public. Mon amendement n’arrivant en séance qu’à la fin de la semaine, je m’éclipse pour accueillir un groupe de visiteurs de ma circonscription dans le parlementarium, qui est la pièce dédiée à l’accueil des citoyens. Je participerai aux scrutins publics à distance, en me connectant sur l’application « AN2035 ».

    A 19h30 j’ai prévu de me rendre à l’inauguration d’un centre de health tech à Paris. Léo a réservé une voiture autonome et je compte profiter du trajet pour participer à une visio-conférence avec des élus locaux.

    Avec le rapport Villani de 2017 et les 1,5 milliards d’euros débloqués par Emmanuel Macron début 2018, l’Intelligence artificielle se lançait enfin en France. Quelles avancées depuis ! L’intelligence artificielle, mise au service de la démocratie, aura permis de renouer un lien de confiance avec les citoyens et de développer de nouveaux moyens de prendre en compte les attentes, notamment dans les travaux législatifs. Et avec elle, c’est aussi le rôle majeur des ceux qui déterminent et exécutent la politique de la Nation, qui se réinvente et se conforte chaque jour.

    Margot Antoniazzi et Valentin Ducros