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    18Mar2019
    « Bad buzz » : des crises numériques de plus en plus imprévisibles ?

    blog_VSC

    Et si les crises numériques subies par les marques n’étaient pas « seulement » de leur responsabilité, mais aussi et surtout du fait d’une société en tension ? Aujourd’hui, les risques d’atteinte à l’image et à la réputation des marques sont multiples, complexes, mais surtout imprévisibles. Les firmes doivent s’adapter à une société sans cesse en mutation, en perpétuel conflit avec des valeurs et marqueurs culturels.

    Nicolas Vanderbiest, directeur des opérations chez Saper Vedere, une agence de conseil en communication spécialisée dans les médias sociaux basée à Bruxelles, a étudié pour la 5ème année consécutive en 2018 l’ensemble des crises numériques subies par les entreprises. De son analyse, trois enseignements principaux en ressortent.

    • Le risque de la décontextualisation

    Tout d’abord, l’historique des traces numériques disséminées par les entreprises au fil du temps peut constituer une source de problème majeure pour leur image. En effet, celles-ci sont produites dans un contexte particulier, à une époque précise. Or, sans ce contexte, ces traces numériques peuvent être interprétées différemment, en fonction du récepteur. Prenons l’exemple de la publicité du Port Leucate, où l’on peut apercevoir des enfants nus de dos contemplant un cerf-volant. Il s’agit d’une des premières publicités de Jacques Séguéla. A l’occasion des cinquante ans, le porte Leucate a décidé de se resservir de cette publicité pour fêter cet anniversaire. De nombreux internautes ont alors réagi en dénonçant le visuel, le taxant de pédophilie. Les entreprises, contraintes d’évoluer en même temps que la société, ont donc tout intérêt à vérifier leur historique pour éviter toute mauvaise surprise.

    • Les marqueurs culturels : un conflit permanent

    Peu importe leurs décisions, les marques peuvent subir à tout moment des réactions « cutanées » sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elles font le choix de la diversité et de l’intégration, comme GAP qui choisit un enfant portant un foulard comme égérie, ou Evian qui utilise un visuel d’un couple homosexuel pour ses bouteilles d’eau, elles suscitent la polémique. En 2011, Benetton, pour célébrer la différence et la diversité culturelle, avait diffusé un photomontage publicitaire osé montrant Benoît XVI échanger un baiser avec Mohamed Ahmed al-Tayeb, imam de la mosquée d’Al-Azhar au Caire. Détournant les codes et institutions afin de promouvoir le « vivre-ensemble », et choquant le Vatican, Benetton avait cependant été contraint de faire marche arrière et de censurer ce baiser.

    Lorsque les marques ne font pas ce choix-là, elles s’attirent les foudres de la bien-pensance. Dans une société si complexe et si conflictuelle, en tension sur des valeurs et marqueurs culturels, Nicolas Vanderbiest explique que c’est dorénavant aux entreprises de reprendre le contrôle, d’assumer leurs choix, et de décider comment elles souhaitent répondre aux marqueurs culturels de leur époque.

    • Des crises injustes en raison de contenus tronqués

    L’abondance de contenus sur les réseaux sociaux donne vie à des preuves physiques matérialisées, fruit du monde de l’immédiateté dans lequel nous vivons. Dans cette culture de l’instant, les organisations peuvent alors être confrontées à des attaques injustes, en raison d’éléments incomplets ou tronqués. Les organisations peuvent pâtir de ces versions biaisées ou incomplètes, en particulier sur les réseaux sociaux. Par exemple, la marque Revolve, malgré de bonnes intentions, a créé une polémique en raison d’un vêtement « Being fat is not beautiful, it’s an excuse. », qui était en réalité une collection pour dénoncer le harcèlement. Pour couper leur propagation, les firmes ont donc pour but d’identifier rapidement les éléments tronqués potentiellement déclencheurs d’une crise.

    Aujourd’hui, les entreprises font face à des crises numériques de plus en plus imprévisibles et mondialisées. Les « bad buzz » deviennent des crises à part entière, auxquelles les firmes peinent à réagir lorsque leur intensité devient forte. L’exemple du scandale lié au t-shirt H & M « Coolest Monkey in the jungle » a eu des répercussions sans doute inimaginables pour la marque, pour un type de crise pourtant déjà connu par certaines enseignes (le secteur vestimentaire est le secteur le plus touché par les crises 2.0 en 2018, quatorze fois). Après avoir sous-estimé un certain temps ces « bad buzz », de plus en plus d’entreprises, directement concernées ou parce qu’elles ont vu passer ces crises digitales, se préparent, notamment grâce à la formation des collaborateurs et de la direction aux outils numériques, « alliés et ennemis » à la fois.

    Sources : « Bad Buzz » Rétrospective 2018 par Nicolas Vanderbiest https://www.jeuneafrique.com/178494/politique/pub-benetton-le-pape-et-l-imam-le-baiser-provoc/

    Léo Chompré