26Mar2015
Anticiper, gérer et accompagner : l’entreprise face à la rumeur et à la fausse information, par Natanaël Bloch
Les hommes n’ont pas attendu l’avènement des nouvelles technologies pour faire circuler de fausses informations et fomenter des tentatives de déstabilisation.
Aujourd’hui, la vitesse à laquelle ces informations se répandent, la cadence de diffusion soutenue d’une « actualité » et l’implication du citoyen en tant que relais d’opinion font que la gestion de la rumeur a pris une toute autre dimension.
Dans ce cadre mouvant, l’entreprise doit définir son plan d’actions : face à la rumeur et à la fausse information, quels sont les outils dont elle doit se doter ? Quelles sont les politiques d’anticipation, de gestion et d’accompagnement qu’elle doit mettre en œuvre pour, au pire, rendre la rumeur indolore, au mieux, en faire un vecteur de valorisation ?
Une entreprise en anticipation : Si vis pacem, para bellum…
L’entreprise ne doit pas attendre qu’une rumeur vienne perturber le fonctionnement day-to-day de son organisation pour réagir. Elle doit mettre en place des garde-fous qui sont autant de dispositifs d’anticipation.
En premier lieu, elle doit disposer d’une cellule de veille mobilisable 24h/24 et 7 jours/7 : cette cellule doit être joignable à tout moment et être en mesure de s’organiser pour réagir à tout évènement qu’elle jugera opportun. Il ne s’agit pas de mettre à disposition du grand public un interlocuteur perpétuel mais plutôt que les contacts privilégiés (institutionnels, presse, etc.) puissent joindre un collaborateur de l’entreprise en cas d’urgence.
Il faut également que l’entreprise définisse un circuit de validation simplifié de prise de décision. En rythme de croisière, un processus rôdé (et parfois complexe) entérine toute prise de décision dans l’entreprise. Dans le cadre de cette cellule de veille, la procédure de validation interne doit être simplifiée au maximum : pouvoir décider rapidement pour ensuite agir le cas échéant. Cela nécessite aussi de catégoriser ce qui relève d’une crise et ce qui n’en relève pas.
Enfin, l’entreprise doit définir en amont les relais d’information à cibler en priorité et ce, au sein de chaque partie prenante préalablement identifiée, qu’il s’agisse des collaborateurs internes ou de cibles externes (médias, institutionnels, partenaires business, etc.).
Ces dispositifs d’anticipation permettront d’optimiser la gestion de la rumeur quand celle-ci apparaîtra.
Une entreprise dans la gestion : (in)action-réaction ?
La difficulté de la gestion d’une rumeur ou d’une fausse information est communément partagée par toutes les entreprises : faut-il ou non réagir ? A vrai dire, il n’y a pas de bonne réponse ou de recommandation « prête-à-utiliser » sur ce sujet. Cependant, certains éléments doivent éclairer le management d’entreprise qui prendra, en connaissance de cause, la décision la plus opportune.
L’entreprise doit prendre en compte la temporalité dans laquelle s’inscrit la naissance de la rumeur. Dans le cas récent de la fausse mort de Martin Bouygues, l’entreprise a clairement pris en compte le fait que l’information erronée a circulé en dehors des heures d’ouverture des marchés financiers ; ce qui a considérablement réduit les effets néfastes de la fausse information et permis à Bouygues de concentrer sa gestion des parties prenantes sur certains acteurs mais sans focus spécifique sur les partenaires business. Les entreprises cotées devant être particulièrement vigilantes face à ce genre d’aléas.
Jauger les conséquences de la rumeur doit également être à la base du dispositif d’actions de l’entreprise : gérer la rumeur en fonction de ce que celle-ci implique. C’est un processus difficile mais il est évident que la décision d’agir ne sera pas examinée sous le même angle si la rumeur est véhiculée par un individu isolé sur un blog ou bien transmise via une agence de presse.
Pour aider à cette prise de décision, l’entreprise pourrait, dès les premiers signes de propagation d’une fausse information, analyser différents critères qui guideront sa gestion de l’évènement : temporalité, initiateur de la rumeur (si faisable), risques encourus et à quelle échéance, etc.
L’entreprise ne doit pas focaliser sa réponse sur l’émetteur ou sur les rumeurs mais plutôt communiquer sur le rétablissement de la vérité : l’enjeu est avant tout de rassurer, de redonner de la confiance et de lever toute ambigüité qui pourrait substituer. Il y a un temps pour tout : répondre par voie judicaire, par exemple, n’est pas forcément la piste à privilégier dans un premier temps. L’idée étant de ne pas rajouter une séquence « négative » à un épisode déjà compliqué pour l’entreprise.
Mais l’entreprise ne doit pas s’arrêter à la gestion de la rumeur. Elle doit voir plus loin et insérer cet épisode extraordinaire dans une nouvelle séquence de communication.
Une entreprise qui accompagne : sortir de la rumeur et construire la suite
Gérer la rumeur ne suffit pas. Le management de l’entreprise se doit d’accompagner les salariés autant que nécessaire : mettre en place une cellule d’écoute, envoyer aux collaborateurs des éléments de réponse en cas de tentative de déstabilisation (même en dehors du lieu de travail), prévoir quelques temps après l’évènement un espace d’échange où chacun pourra partager son ressenti, etc.
La rumeur ou la fausse information donnent à l’entreprise une fenêtre de visibilité dont elle se serait volontiers passée.
Cette visibilité inattendue, l’entreprise doit en profiter ! Une fois la rumeur « gérée », l’entreprise peut saisir l’occasion donnée de déployer une nouvelle séquence de communication positive grâce à un accès média facilité : mettre en avant une personnalité de l’entreprise (un directeur de la communication par exemple), préempter une nouvelle thématique ou tout simplement donner le tempo de cette autre séquence de communication dont elle serait l’initiatrice.