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    11Sep2009
    Hortefeux : la double faute

    Admin VSC

    Depuis jeudi 10 septembre à 17h, la polémique enfle et se propage à une vitesse déconcertante. La mise en ligne sur le site Internet du Monde de la vidéo montrant Brice Hortefeux, Ministre de l’Intérieur, aux universités d’été de l’UMP à Seignosse (le 5 septembre 2009) a lancé l’affaire.

    Le Ministre est entouré de militants et de responsables politiques et tous échangent des propos sur le mode de la dérision et de la galéjade. Mais très vite un militant UMP, Amine, fait les frais de blagues de mauvais goût : « Il parle arabe, lui », « il mange du cochon et il boit de la bière » dit une femme. Et c’est là que le Ministre de l’Intérieur dérape : « Il ne correspond pas du tout au prototype » avant d’ajouter : « Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. »

    Si on peut reconnaître dans ces phrases des mauvaises blagues que beaucoup de français peuvent tenir un samedi entre amis, il faut bien admettre que les mêmes propos prononcés par un Ministre de l’Intérieur posent problème. La charge de Ministre impose des contraintes et des obligations ; elle suppose de respecter des règles essentielles, notamment en matière de communication. Et la première de ces règles est la qualité et le statut de l’émetteur ! Un ministre qui dit cela confère aux propos un sens qui n’est pas le même que celui de Monsieur Lambda ! C’est donc une faute professionnelle.

    La seconde faute réside dans la réaction à la polémique et à la crise naissante – comme souvent dans le cas d’une crise, c’est sa gestion qui en fait une crise médiatique et d’opinion !

    Le service de presse du Ministère publie un communiqué dans lequel il « dénonce une vaine et ridicule tentative de polémique ». Selon le texte, la phrase de Brice Hortefeux fait « référence aux très nombreux clichés qu’il venait de prendre avec la délégation auvergnate ». Le communiqué précise que « pas un seul mot de Brice Hortefeux ne fait référence à une origine ethnique supposée d’un jeune militant ».

    Si l’on peut saluer l’extrême réactivité du service de presse du Ministre (c’est d’ailleurs le signe que la situation n’est pas si anodine qu’on veut nous le faire croire), l’argument fait fi du contexte où le militant d’origine maghrébine est bien au centre de la conversation, où il est précisé « qu’il parle arabe », « qu’il mange du cochon et qu’il boit de la bière » et enfin, par le Ministre lui-même, qu’il « ne correspond pas du tout au prototype » . A l’évidence, il est difficile de croire qu’il évoque ici le « prototype » auvergnat !

    Le problème de cette ligne de défense est qu’elle ne peut pas être perçue comme crédible par l’opinion publique et qu’elle aura même tendance à être interprétée comme une indifférence coupable. Une argumentation ne peut pas donner l’impression de prendre les gens pour des idiots au risque qu’ils aient le sentiment qu’on insulte leur intelligence. D’autres réactions auraient été possibles !

    Et voir la mobilisation immédiate des ténors du gouvernement affichant les uns les autres leur indignation face à une telle opération dite de déstabilisation… on peut s’interroger sur leur capacité empathique à entendre l’indignation et la déstabilisation de l’opinion !

    Les heures qui viennent montreront si la gestion de ce dérapage en fera une crise médiatique majeure pour le Gouvernement – similaire à celle qui valu à un Préfet d’être sanctionné par le Ministre de l’Intérieur. C’est d’ailleurs là le troisième écueil possible : même cause, conséquence différenciée ; si bien formulé par Jean de La Fontaine : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».